Sortie officielle à la Fondation Vasarely
de AIX en Provence le 9 juin 2024
La représentation
Le groupe d’enregistrement du CD
La diffusion sera sous le label KLARTHE.
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Franz SCHUBERT
WINTERREISE
Voyage d’hiver
Ensemble Instrumental de PROVENCE-VERDON
Pour baryton-basse, quatuor à cordes et clarinette :
Jean-Christophe MAURICE, baryton-basse
Bernard MAUPPIN, violon
Joëlle MAUPPIN, violon
Stéphanie BAYLE, alto
Florian LAFORGE, violoncelle
Daniel PALOYAN, clarinette
Présidents d’honneur : Régis PASQUIER
Pierre VASARELY
Président : Robert FRANÇON
WINTERREISE (Voyage d’Hiver)
Voyage d’hiver (février-octobre 1827) est le second cycle de lieder composé par SCHUBERT
sur des poèmes de Wilhelm MÜLLER, après le cycle Die schöne Müllerin (la Belle Meunière),
composé 4 ans plus tôt. Il s’agit d’une narration continue en 24 épisodes : un homme, qui
parle à la première personne, quitte, par un sinistre jour d’hiver, la ville où il a vécu comme
un étranger et où il a cru trouver l’amour. Il erre sans but, vivant diverses expériences
malheureuses ; à la fin, il rencontre un vieux joueur de vielle aveugle, symbole de sa mort
prochaine. Le thème de l’errance, qui est aussi celui de la Belle Meunière, est un des thèmes
familiers de la poésie romantique allemande.
On a souvent considéré ce cycle comme une annonce de la mort de SCHUBERT qui devait en
effet disparaître l’année suivante en raison de l’atmosphère sinistre qui y règne. Pourtant, si
le contenu en est dépressif, et la matière musicale d’une sobriété glaçante et bien éloignée
du charme mélodique et expressif de la Belle Meunière, SCHUBERT n’était en rien mourant à
l’époque de sa composition. Il eut même l’occasion de chanter ces lieder devant ses amis,
précisant d’ailleurs que l’interprétation devait être d’une grande sobriété, jamais
empathique ni déclamatoire. Pourtant, le Voyage d’hiver évoque pour nous un monde sans
soleil et sans joie, où le désespoir semble dépassé.
Franz Schubert
(1797-1828)
La période qui occupe SCHUBERT à la composition des mélodies du Voyage d’hiver s’étend
de février à octobre 1827. Le musicien sort d’une courte période peu propice à la création. Il
lui manque la matière littéraire pour stimuler son écriture. La découverte de douze premiers
poèmes de MÜLLER l’enthousiasme. La plume file sur le papier, respectant exactement
l’ordre du recueil. La découverte de la fin du cycle intervient quelques mois plus tard,
achevant ainsi le parcours. Les thèmes de l’errance et de la solitude qui portent sur les
strophes sont à l’identique de ceux qui irriguent l’oeuvre de Schubert. Ainsi, Gute Nacht, titre
du premier lied, referme les volets du monde extérieur et débute le cycle au même endroit
où s’était achevé le précédent recueil de la Belle Meunière, également par Gute Nacht ! La
continuité est évidente, mais l’expression a profondément évolué : l’écriture est d’une
concentration extraordinaire. Ecoutez les trois dernières Sonates pour piano, en ut mineur,
la majeur et si bémol majeur, leurs modulations qui annoncent BRUCKNER, leur pulsation qui
rend hommage à BEETHOVEN. La perfection des proportions, l’épure du langage explore
d’autres horizons musicaux.
Le désespoir qui anime le compositeur ne pouvait pas trouver de terreau plus fertile que ce
voyage prémonitoire qui met des rimes sur des échecs ressassés d’un passé qu’il fait sien.
SCHUBERT accompagne sa solitude et la maladie, jouant aux frontières du suicide, sinon de
la folie. Plus tard, il sera temps pour les écrivains allemands d’exprimer leurs critiques à
l’égard des vers de MÜLLER qu’ils jugeront, dans leur grande majorité, assez faibles. C’est
oublier que Beethoven, à quelques semaines de la mort, découvre également la poésie de
MÜLLER et s’enthousiasme pour ces rimes dont il regrette ne pas avoir eu connaissance plus
tôt ? C’est oublier que cette disparition de BEETHOVEN, le 26 mars 1827, anéantit SCHUBERT
pendant quelques mois, le paralysant devant sa table de travail. C’est oublier, enfin, que
SCHUBERT n’a pas trouvé dans l’instant chez les géants que sont GOETHE, SCHILLER et
HEINE, qu’il vénère et dont il a sculpté si souvent les mots, le réconfort face au
dépouillement et à la douleur. Dorénavant, plus personne ne lui viendra en aide, même pas
ses proches, terrifiés et impuissants devant les ravages ultimes de sa « honteuse » maladie.
SCHUBERT traduit ces poèmes déjà magnifiquement agencés par le jeu des tonalités
« négatives », essentiellement en mineur (16 lieder sur 24 !), et par le rythme souterrain
d’une marche qui s’ouvre dans une mesure à 2/4 et guide les interprètes.
Cette marche tourne sur elle-même, sans une histoire, dans le froid et l’impossibilité de
communiquer avec autrui. Les souvenirs surgissent comme des ombres, exprimés en mode
majeur, mais aussitôt effacés par les ruptures du texte dont se nourrit la sève musicale.
« SCHUBERT fut un certain temps d’humeur sombre et paraissant épuisé. Comme je lui
demandais ce qui arrivait, il me répondit seulement « Vous l’apprendrez et comprendrez
bientôt. Un jour il me dit « Viens aujourd’hui chez SCHOBER, je vous chanterai un cycle de
lieder sinistres. Je suis anxieux de savoir ce que vous en direz ». Ils m’ont beaucoup plus
touché que ce ne fut le cas pour d’autres lieder. Ces lieder me plaisent plus que tous les
autres, et ils vous plairont à vous aussi. »
Ce témoignage met en lumière toute la personnalité de Franz SCHUBERT. En effet, cet
immense génie que fut SCHUBERT a littéralement « échappé » à ses contemporains et aux
générations qui ont suivi pendant plus d’un siècle ! Méconnu de tous, sauf de son cercle des
« Schubertiades » composé d’amis à l’esprit éclairé, et de Beethoven (sur son lit de mort… !)
On se demande comment un tel talent a réussi à s’exprimer quand même dans un
environnement aussi hostile à la géniale exception ! Comme l’écrit BAUERNFELD, un de ses
plus fidèles amis, « il (SCHUBERT) ressuscitait tout avec tendresse et profondeur mais il était
discret, préférant ne pas livrer ses sentiments, mais les contenant seulement. »
Psychologiquement introverti, indifférent à l’argent et aux honneurs, on saisit mieux,
constatant ceci plus cela, que « des lieder comme le Voyage d’Hiver, véritable confession
musicale, ont été baptisés dans le sang d’une vraie et profonde souffrance. » (BAUERNFELD)
A elle seule, la dédicace du trio en mi bémol – écrit après le Voyage d’Hiver – donne une idée
du climat émotionnel fait d’ironie glaciale et d’orgueil désabusé qui émaillent les derniers
temps d’un homme de génie, seul, toujours seul face à une ignorance crasse et massive :
« A personne, sauf à ceux qui y prendront plaisir… »
Franz SCHUBERT
Wilhelm MÜLLER
Le 30 septembre 1827, à l’âge de 23 ans, le poète d’origine souabe, Wilhelm MÜLLER meurt
à Dessau, en Allemagne. Ce brillant érudit polyglotte aura finalement vécu pour une grande
quête littéraire : la création d’une poésie populaire, rythmée et simple, dont le thème
central de la Nature, si cher aux Romantiques, irrigue chaque page. Wilhelm MÜLLER
emporte avec sa jeunesse un inconsolable regret dont l’écho nous bouleverse aujourd’hui
encore :
« Je ne sais ni jouer, ni chanter, et cependant, quand j’écris des poèmes, je chante et je joue.
Si je pouvais créer moi-même mes mélodies, alors mes lieder plairaient encore plus que
maintenant mais, j’espère avec confiance qu’il pourra se trouver une âme semblable à la
mienne qui saisisse les mélodies glissées sous les mots et qu’il me les restitue ».
Saisissante fraternité du silence … Au même moment, à quelques centaines de kilomètres,
un poète des sons auquel il ne reste qu’une année à vivre se saisit après le recueil de la Belle
Meunière (Die schöne Müllerin) du cycle du Voyage d’hiver (Winterreise).
L’Art de la Transcription
N’en déplaise aux puristes, la transcription a toujours été un élément essentiel pour la
musique. Ainsi, la transcription des chansons polyphoniques donna naissance à la musique
instrumentale. C’est aussi grâce à elle que BACH s’appropria les styles français et italiens.
Elle fut également, au XIXème siècle, essentielle dans la diffusion de la musique, comme en
témoigne l’important corpus de transcriptions de LISZT. L’histoire de la musique comporte
de nombreux exemples de transcription ne pouvant être taxées de dilettantisme! Tant
qu’une oeuvre n’est pas « dévoyée » mais plutôt « transcendée » par une transcription,
disons que c’est une chance pour le public de l’entendre et pour les interprètes de
l’exécuter.
C’est un exercice délicat, comparable à celui du traducteur. Il faut savoir tout à la fois se
mettre en retrait, et mettre en valeur la pensée de l’auteur. Elle peut même révéler certains
aspects de l’oeuvre, en dévoilant une richesse harmonique que la version originale met
moins en évidence.
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